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Numa Denys Fustel de Coulanges

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fustel_de_Coulanges

* Dans l'Encyclopédie de l'Agora (Québec), liens vers des articles de Fustel de Coulanges et la biographie de Fustel par Paul Guiraud sur le site de la Bibliothèque Nationale de France.

* La Cité antique

* La Cité antique

* Polybe ou, la Grèce conquise par les Romains thèse soutenu en 1858.

* Histoire des institutions politiques de l'ancienne France, sur Gallica

Tome 1 La Gaule romaine

Tome 2 L'invasion germanique et la fin de l'empire

Tome 3 La monarchie franque

Tome 4 L'alleu et le domaine rural pendant l'époque mérovingienne

Tome 5 Les origines du système féodal

Tome 6 Les transformations de la royauté pendant l'époque carolingienne

* L'Alsace est-elle allemande ou française ? Réponse à M. Mommsen (1870).

http://www.bmlisieux.com/curiosa/alsace.htm

L'Alsace est-elle allemande ou française

RÉPONSE A M. MOMMSEN Professeur à Berlin.

par Fustel de Coulanges

Paris, 27 octobre 1870

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http://www.bmlisieux.com/curiosa/alsace.htm

L'Alsace est-elle allemande ou française

RÉPONSE A M. MOMMSEN Professeur à Berlin.

par Fustel de Coulanges

~~~~

Paris, 27 octobre 1870

" Vous appelez cela le principe de nationalité.

C'est sur ce point que je tiens à vous répondre. Car il faut que l'on sache bien s'il est vrai que, dans cet horrible duel, le Droit se trouve du même côté que la force. Il faut aussi que l'on sache s'il est vrai que l'Alsace ait eu tort en se défendant et que la Prusse ait eu raison en bombardant Strasbourg.

Vous invoquez le principe de nationalité, mais vous le comprenez autrement que toute l'Europe. Suivant vous, ce principe autoriserait un État puissant à s'emparer d'une province par la force, à la seule condition d'affirmer que cette province est occupée par la même race que cet État. Suivant l'Europe et le bon sens, il autorise simplement une province ou une population à ne pas obéir malgré elle à un maître étranger. Je m'explique par un exemple : le principe de nationalité ne permettait pas au Piémont de conquérir par la force Milan et Venise ; mais il permettait à Milan et à Venise de s'affranchir de l'Autriche et de se joindre volontairement au Piémont. Vous voyez la différence. Ce principe peut bien donner à l'Alsace un droit, mais il ne vous en donne aucun sur elle.

Songez où nous arriverions si le principe de nationalité était entendu comme l'entend la Prusse, et si elle réussissait à en faire la règle de la politique européenne. Elle aurait désormais le droit de s'emparer de la Hollande. Elle dépouillerait ensuite l'Autriche sur cette seule affirmation que l'Autriche serait une étrangère à l'égard de ses provinces allemandes. Puis elle réclamerait à la Suisse tous les cantons qui parlent allemand. Enfin s'adressant à la Russie, elle revendiquerait la province de Livonie et la ville de Riga, qui sont habitées par la race allemande ; c'est vous qui le dites page 16 de votre brochure. Nous n'en finirions pas. L'Europe serait périodiquement embrasée par les " revendications " de la Prusse. Mais il ne peut en être ainsi. Ce principe, qu'elle a allégué pour le Slesvig, qu'elle allègue pour l'Alsace, qu'elle alléguera pour la Hollande, pour l'Autriche, pour la Suisse allemande, pour la Livonie, elle le prend à contre-sens. Il n'est pas ce qu'elle croit. Il constitue un droit pour les faibles ; il n'est pas un prétexte pour les ambitieux. Le principe de nationalité n'est pas, sous un nom nouveau, le vieux droit du plus fort.

Comprenons-le tel qu'il est compris par le bon sens de l'Europe. Que dit-il relativement à l'Alsace? Une seule chose : c'est que l'Alsace ne doit pas être contrainte d'obéir à l'étranger. Voulez-vous maintenant que nous cherchions quel est l'étranger pour l'Alsace? Est-ce la France, ou est-ce l'Allemagne? Quelle est la nationalité des Alsaciens, quelle est leur vraie patrie? Vous affirmez, monsieur, que l'Alsace est de nationalité allemande. En êtes-vous bien sûr? Ne serait-ce pas là une de ces assertions qui reposent sur des mots et sur des apparences plutôt que sur la réalité? Je vous prie d'examiner cette question posément, loyalement : à quoi distinguez-vous la nationalité? à quoi reconnaissez-vous la patrie?

Vous croyez avoir prouvé que l'Alsace est de nationalité allemande parce que sa population est de race germanique et parce que son langage est l'allemand. Mais je m'étonne qu'un historien comme vous affecte d'ignorer que ce n'est ni la race ni la langue qui fait la nationalité.

Ce n'est pas la race : jetez en effet les yeux sur l'Europe et vous verrez bien que les peuples ne sont presque jamais constitués d'après leur origine primitive. Les convenances géographiques, les intérêts politiques ou commerciaux sont ce qui a groupé les populations et fondé les Etats. Chaque nation s'est ainsi peu à peu formée, chaque patrie s'est dessinée sans qu'on se soit préoccupé de ces raisons ethnographiques que vous voudriez mettre à la mode. Si les nations correspondaient aux races, la Belgique serait à la France, le Portugal à l'Espagne, la Hollande à la Prusse ; en revanche, l'Ecosse se détacherait de l'Angleterre, à laquelle elle est si étroitement liée depuis un siècle et demi, la Russie et l'Autriche se diviseraient en trois ou quatre tronçons, la Suisse se partagerait en deux, et assurément Posen se séparerait de Berlin. Votre théorie des races est contraire à tout l'état actuel de l'Europe. Si elle venait à prévaloir, le monde entier serait à refaire.

La langue n'est pas non plus le signe caractéristique de la nationalité. On parle cinq langues en France, et pourtant personne ne s'avise de douter de notre unité nationale. On parle trois langues en Suisse ; la Suisse en est-elle moins une seule nation, et direz-vous qu'elle manque de patriotisme? D'autre part, on parle anglais aux Etats-Unis; voyez-vous que les Etats-Unis songent à rétablir le lien national qui les unissait autrefois à l'Angleterre? Vous vous targuez de ce qu'on parle allemand à Strasbourg ; en est-il moins vrai que c'est à Strasbourg que l'on a chanté pour la première fois notre Marseillaise? Ce qui distingue les nations, ce n'est ni la race, ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœur qu'ils sont un même peuple lorsqu'ils ont une communauté d'idées, d'intérêts, d'affections, de souvenirs et d'espérances. Voilà ce qui fait la patrie.Voilà pourquoi les hommes veulent marcher ensemble, ensemble travailler, ensemble combattre, vivre et mourir les uns pour les autres. La patrie, c'est ce qu'on aime. Il se peut que l'Alsace soit allemande par la race et par le langage ; mais par la nationalité et le sentiment de la patrie elle est française. Et savez-vous ce qui l'a rendue française? Ce n'est pas Louis XIV, c'est notre Révolution de 1789. Depuis ce moment, I'Alsace a suivi toutes nos destinées ; elle a vécu de notre vie. Tout ce que nous pensions, elle le pensait ; tout cc que nous sentions, elle le sentait. Elle a partagé nos victoires et nos revers, notre gloire et nos fautes, toutes nos joies et toutes nos douleurs. Elle n'a rien eu de commun avec vous. La patrie, pour elle, c'est la France. L'étranger, pour elle, c'est l'Allemagne.

Tous les raisonnements du monde n'y changeront rien. Vous avez beau invoquer l'ethnographie et la philologie. Nous ne sommes pas ici dans un cours d'université. Nous sommes au milieu des faits et en plein coeur humain. Si vos raisonnements vous disent que l'Alsace doit avoir le coeur allemand, mes yeux et mes oreilles m'assurent qu'elle a le cœur français. Vous affirmez, de loin, " qu'elle garde un esprit d'opposition provinciale contre la France " ; je l'ai vue de près ; j'ai connu des hommes de toutes les classes, de tous les cultes, de tous les partis politiques, et je n'ai trouvé cet esprit d'opposition contre la France nulle part. Vous insinuez qu'elle a une antipathie contre les hommes de Paris ; je me vante de savoir avec quelle sympathie elle les accueille. Par le coeur et par l'esprit, I'Alsace est une de nos provinces les plus françaises. Le Strasbourgeois a, comme chacun de nous, deux patries : sa ville natale d'abord, puis, au-dessus, la France. Quant à l'Allemagne, il n'a pas même la pensée qu'elle puisse être en aucune façon sa patrie.

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